La Cour des comptes a remis à la Première ministre le 16 décembre 2022 les conclusions de son examen de la contribution française à l’aide publique au développement (APD) dans le domaine de la santé. Dans le référé rendu public le 20 février 2023, la Cour soulève :
- Le manque de moyens accordés à la santé mondiale,
- Le faible investissement de l’APD bilatérale pour la santé mondiale,
- Le défaut de portage ministériel et interministériel de l’APD santé,
- La nécessité de mieux piloter et contrôler l’impact de l’APD santé.
Action Santé Mondiale revient dans cet article sur les conclusions et recommandations de la Cour des comptes. Nous espérons que la stratégie de la France pour la santé mondiale, en cours de révision, et le prochain Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, prévu cette année, tiendront compte des évolutions appelées de ses vœux par la Cour.
Un manque de moyens accordés à la santé mondiale pointé par la Cour des comptes
La Cour pointe à plusieurs reprises les diminutions relatives des montants d’APD dédiés à la santé, pourtant l’une des cinq priorités affichées de la politique française. Sur la période 2014-2019, le secteur de la santé ne représentait que 8% de l’APD totale française et a vu son budget régresser de 2,7% tandis que l’enveloppe globale progressait de 37,5%. Action Santé Mondiale et ses partenaires partagent cette préoccupation, relayée au gouvernement en novembre 2022.
Il est urgent d’augmenter les investissements en faveur de la santé mondiale.
Un faible investissement de l’APD bilatérale pour la santé mondiale
Si l’APD française globale est majoritairement bilatérale, l’APD santé fait figure d’exception en transitant majoritairement par les fonds multilatéraux. La Cour invite le gouvernement à “engager une réflexion sur un rééquilibrage des financements au profit de l’APD bilatérale”. Ce rééquilibrage est d’ores et déjà à l’œuvre. En 2020, le canal bilatéral représentait 35 % de l’APD santé (contre 20 % sur la période étudiée par la Cour des Comptes). Pour autant, le déséquilibre constaté est notamment dû à la faiblesse des investissements de l’Agence Française de Développement dans les services sociaux de base dont la santé et dans les pays prioritaires. La Cour relève que seulement 4% de l’aide bilatérale française a été consacrée à la santé sur la période 2014-2019 et que “l’enveloppe effectivement consacrée aux pays prioritaires pour la politique française de l’APD a été divisée par deux sur la période”. Ce rééquilibrage ne pourra se faire qu’en prescrivant une augmentation importante et durable du portage de la santé par le canal bilatéral et particulièrement via l’AFD.
Les cadres stratégiques en cours d’élaboration (stratégie santé mondiale, CPD, Cicid, COM de l’AFD) devront prévoir précisément l’augmentation des moyens accordés à la santé mondiale, notamment pour le canal bilatéral.
Un défaut de portage ministériel et interministériel de l’APD santé
Action Santé Mondiale partage le constat de la Cour sur le portage ministériel faible et dispersé de la politique française de santé mondiale. Sujet éminemment transversal, la faiblesse d’une coordination interministérielle, dont le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères pourrait en être le “chef de file”, est à déplorer. En outre, l’inclusion des acteurs de la société civile, de la recherche et de la médecine dans les organes de décision permettrait d’apporter les données probantes nécessaires à la prise de décisions.
Il est nécessaire de réformer la gouvernance de la politique française en santé mondiale autour de nouvelles instances décisionnaires plus inclusives.
Un déficit de cadrage stratégique et d’instruments de redevabilité de l’APD santé
Si la Cour souligne à raison le déficit d’instruments permettant d’assurer que l’APD santé atteigne les objectifs fixés par la France, ses recommandations, focalisées sur le fonctionnement des fonds multilatéraux, passent à côté du cœur du problème. La stratégie de la France pour la santé mondiale, et plus globalement ses orientations pour l’APD, ne disposent que de peu de cibles chiffrées et d’indicateurs de suivi qui permettraient de mieux piloter et contrôler l’exécution de cette politique. La France, actrice influente dans les organes décisionnels des fonds multilatéraux, participe activement à l’allocation et au suivi de leurs financements. Ces organisations font d’ailleurs preuve d’une plus grande transparence et de suivi dans leur gestion des fonds que l’aide bilatérale française. La France pourrait renforcer le cadre de sa participation en s’appuyant sur une stratégie globale organisant la complémentarité de chaque instrument et en articulant la plus-value des différents canaux de son aide en faveur de la santé.
La future stratégie française pour la santé mondiale devra être assortie d’objectifs et d’indicateurs précis, permettant un pilotage et une évaluation accrue de cette politique.
Pour réaliser ses ambitions et apporter une réponse à la hauteur des besoins pour la santé mondiale, la France doit réaffirmer l’objectif de consacrer 0,7% du RNB à l’APD d’ici 2025 et fixer des cibles financières pluriannuelles ambitieuses en faveur de la santé mondiale. La révision en cours de la stratégie de la France pour la santé mondiale et la tenue d’un Comité interministériel de la coopération internationale et du développement au courant de l’année sont l’occasion d’aligner ambition et moyens dédiés.