La stratégie française en santé mondiale pour 2023-2027 a été lancée le jeudi 12 octobre au Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) en présence des ministres Mme Catherine Colonna, Mme Sylvie Retailleau et M. Aurélien Rousseau et du Dr Elisabete Weiderpass, directrice du CIRC, du Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, de Mme Anne-Claire Amprou, ambassadrice pour la santé mondiale et de M. Philippe Duneton, directeur exécutif d’Unitaid.
Ci-dessous, l’intervention de Mme Elise Rodriguez, directrice du plaidoyer d’Action Santé Mondiale, au nom du Collectif Santé Mondiale :
Merci de nous permettre de nous exprimer aujourd’hui. Cette invitation reflète la reconnaissance du rôle de la société civile. Nous sommes des associations et nous travaillons en réseaux avec des structures d’une grande diversité, ici en France au sein du Collectif Santé Mondiale dont les membres ont des approches complémentaires, à l’international, avec des partenaires dans de très nombreux pays réunissant des réseaux de société civile, de communautés affectées qui travaillent sur l’accès aux soins, la vaccination, la prévention et le traitement des maladies infectieuses, l’accès aux services de santé sexuelle et reproductifs, entre autres. Nous sommes des acteurs essentiels parce que nous participons tous les jours à l’amélioration des conditions de vie, et aussi parce que nous sommes en lutte pour le respect des droits, que nous demandons des comptes aux décideurs et nous nous investissons pleinement dans les espaces de concertation lorsqu’on nous en donne l’accès. Ce fut le cas avec le processus d’élaboration de cette stratégie, et les membres du Collectif Santé Mondiale sont heureux d’avoir pu s’y investir.
Je veux revenir sur le contenu de cette stratégie et sur les conditions exceptionnelles aujourd’hui de son adoption en présence de 3 ministres. Nous nous reconnaissons particulièrement dans l’ambition de contribuer à l’atteinte de l’ODD3, notamment en s’attachant à réduire les inégalités de santé et soutenons l’approche complémentaire des trois priorités destinées à agir à la fois sur les systèmes et la couverture sanitaire universelle (CSU), sur la lutte contre les maladies et sur la prévention et la préparation aux urgences sanitaires. Nous sommes également alignés quant à la nécessité de travailler de façon transversale en impliquant d’autres secteurs, d’autres disciplines pour faire face notamment à l’explosion des maladies non transmissibles, et aux conséquences environnementales et du changement climatique sur la santé. Nos collaborations sur ces sujets avec le monde de la recherche, comme au sein du forum Pour Une Santé Durable Pour Tous, nous apportent beaucoup.
Cette stratégie est née dans un monde post Covid-19, une crise au cours de laquelle des inégalités choquantes en matière d’accès aux équipements de protection, aux diagnostics, aux vaccins et aux traitements ont fracturé le monde. Cette injustice a laissé des traces auprès de nos partenaires et notre capacité à répondre à ces enjeux déterminera aussi la qualité de nos partenariats futurs.
La stratégie insiste sur le besoin de cohérence et de complémentarité qui doit s’appliquer en premier lieu à l’écosystème de la santé mondiale et aux partenaires de la mise en œuvre : oui, nous avons besoin d’une meilleure coordination des acteurs, dans la gouvernance mais aussi sur le terrain. Oui, le système global de la santé mondiale doit être plus performant, les fonds multilatéraux en santé sont à l’œuvre pour se réinventer et pour s’adapter aux besoins. Je veux cependant souligner ici que ces outils, ces mécanismes permettent à l’heure où nous parlons de sauver des vies en rendant disponibles des traitements à des millions de personnes, en luttant contre les discriminations et les inégalités sociales et de genre, qui sont, nous le savons, des déterminants importants de l’accès aux soins. Cette stratégie donne également des orientations claires pour questionner et renforcer le rôle de banques de développement qui sont acteurs très puissants mais encore trop souvent oubliés.
Bien sûr, nous entendons cette stratégie comme une série d’engagements qui sont pris auprès de nous et des partenaires de la France. Nous apporterons nos contributions sur l’élaboration du cadre de redevabilité, terme un peu technique mais qui a son importance. Un cadre de redevabilité, c’est s’interroger sur ce qui fera le succès de cette stratégie. C’est aussi favoriser son appropriation par les partenaires de mise en œuvre, depuis Lyon jusqu’aux personnels et opérateurs dans les pays d’interventions, via les agences nationales et internationales.
Quand on parle de mise en œuvre, on parle également de ressources et d’engagements politiques. C’est pourquoi nous veillerons particulièrement à ce que les moyens financiers et humains soient disponibles pour déployer cette vision. Ces dernières années, la France s’est fortement mobilisée financièrement et politiquement pour prendre sa part dans la réponse aux défis sanitaires mondiaux. Ces défis persistent, ou s’aggravent dans certaines régions du monde, et d’autres apparaissent. Pour agir, vous, nous, avons besoin de moyens et sur ce point certains signaux sont inquiétants. Alors que nous lançons cette stratégie ambitieuse, la programmation budgétaire prévoit une baisse de l’aide publique au développement consacrée à la santé. Pour prendre ce nouveau départ que mentionnait la ministre cet après-midi, il faut que les investissements soient à la hauteur et nous serons à vos côtés pour y veiller.
Cet engagement passe aussi par un positionnement fort de la France auprès de ses partenaires européens et au sein des instances de concertation internationales pour créer les conditions d’un accès plus équitable aux innovations en santé et ainsi, quand il le faut, affranchir la santé des strictes règles du marché.
Madame l’Ambassadrice, cette nouvelle stratégie honore la France par son ambition, elle doit maintenant tous et toutes nous engager pour sa bonne réalisation et vous pouvez compter sur la mobilisation de la société civile à vos côtés.