Document de recommendation en vue du renouvellement de la stratégie intérieure de la France en matière de droits et santé sexuels et reproductifs
En 1995, la conférence internationale du Caire sur la Population et le développement marquait un véritable tournant en faveur de l’autonomisation des femmes et de l’égalité entre les sexes au niveau international. Un an après, à l’occasion de la 4e conférence mondiale sur les femmes, le Programme d’action de Pékin confirme ce changement de paradigme et consacre pour la première fois la santé sexuelle et reproductive des femmes comme droit humain fondamental.
Pourtant, 26 ans plus tard, l’accès à la santé sexuelle et reproductive continue d’être impossible pour des millions de femmes dans le monde. Selon les observations du Guttmacher Institute, chaque année, dans les pays à revenus faibles et intermédiaires, 218 millions de femmes qui désirent éviter une grossesse n’ont pas accès à une contraception moderne, 35 millions de femmes qui avortent le font dans des conditions non médicalisées et 30 millions de femmes continuent d’accoucher en dehors d’établissements de santé. Les barrières rencontrées sont encore trop nombreuses : légales, socio-culturelles, financières ou encore géographiques. De surcroît, la faiblesse des systèmes de santé continue d’entraver cet accès, notamment du fait de la fragmentation des services de santé, du manque de personnel qualifié, d’équipement médical ou à cause des difficultés d’accès aux produits de santé et médicaments essentiels. La pandémie de Covid-19 n’a fait qu’aggraver les retards en la matière. Selon des estimations du FNUAP, plus de 12 millions de femmes et de filles ont vu leur accès aux moyens de contraceptions modernes compromis, avec pour conséquence près de 1,4 millions de grossesses non désirées en 2020.
Depuis quelques années, l’égalité femmes-hommes est devenue une priorité portée par la France à l’international. Cette tendance s’est notamment formalisée en 2016 par l’adoption d’une stratégie pluriannuelle visant à structurer son action extérieure sur les enjeux de population, de droits et santé sexuels et reproductifs (DSSR). L’adoption de cette stratégie s’inscrit plus globalement dans le cadre de la “diplomatie féministe”, qui s’est notamment traduite lors de l’accueil par la France du Forum Génération Égalité du 30 juin au 2 juillet 2021 et par son rôle en tant que championne de la coalition d’actions “Autonomie corporelle et droits et santé sexuels et reproductifs”. Le leadership grandissant de la France sur ces questions s’est accompagné d’un changement au sein de son positionnement politique extérieur, passant progressivement d’une approche démographique dite « populationnelle » à une approche basée sur les droits humains. Il s’agit d’un tournant indispensable pour accompagner les changements sociétaux vers l’égalité de genre, confirmer la légitimité de la France dans le paysage des diplomaties féministes et atteindre les Objectifs de Développement Durable.
Cependant, si cette dynamique est encourageante, le niveau actuel des financements de la France en matière de droits et de la santé sexuels et reproductifs demeure encore insuffisant, notamment par rapport à d’autres donateurs champions tels que le Canada, le Danemark ou encore l’Allemagne, et le Forum Génération Égalité n’a pas permis de rattraper de manière significative ce retard. A défaut d’une augmentation significative de ses moyens, le renforcement de l’effet des ressources disponibles doit être l’objectif de la France dans le cadre du renouvellement de sa stratégie sur les enjeux de population, de droits et de santé sexuels et reproductifs (2016-2020) qui aura lieu cette année. Ce processus présente l’occasion de confirmer l’approche par les droits et d’asseoir les DSSR comme un enjeu spécifique, à travers une stratégie dédiée portant des objectifs et un positionnement propre. Il sera enfin l’occasion de traduire, au sein de ses cadres stratégiques et opérationnels, les engagements politiques et financiers pris par la France lors du sommet du Forum Génération Égalité. Dans ce cadre, et afin d’assurer que la future stratégie contribue réellement à améliorer la disponibilité, l’accessibilité, l’acceptabilité et la qualité de services de santé sexuelle et reproductive complets, Action Santé Mondiale propose ici cinq pistes d’action prioritaires à destination des représentant.e.s politiques et institutionnels :
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RENFORCER LE POSITIONNEMENT DE LA FRANCE EN MATIÈRE DE DSSR SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE
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CONTRIBUER À LA MISE EN PLACE DE CADRES SOCIO-CULTUREL, POLITIQUE ET LÉGAL FAVORISANT LA RÉALISATION DES DSSR
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GARANTIR UNE BONNE INTÉGRATION DES DSSR AU SEIN DES SERVICES DE SANTÉ
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SOUTENIR UN FINANCEMENT INTERNATIONAL DURABLE EN FAVEUR DES DSSR
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ASSURER LA MISE EN PLACE D’UN CADRE DE REDEVABILITÉ CLAIR