16 juin 2020
Aujourd’hui, Emmanuel Macron se rend dans une usine de Sanofi “pour soutenir la recherche et la production de vaccins” contre la Covid-19 puis tiendra une visioconférence avec les représentant.e.s des laboratoires privés.
Un mois, presque jour pour jour, après les déclarations du PDG international de Sanofi qui avaient créé le scandale en France, nos associations attendent du Président de la République un dialogue ferme et exigeant avec les grands groupes pharmaceutiques. Les ONG demandent au Président de concrétiser son engagement international en faveur de l’accès universel au vaccin afin de s’assurer que son développement, sa production et sa distribution soient guidés par l’intérêt général et non pas le profit de ces industries.
Le réflexe nationaliste est bien la dernière des choses dont nous avons besoin
Le 4 mai, Emmanuel Macron s’est engagé à ce que le vaccin contre la Covid-19 soit un bien public mondial dès le jour où il sera développé. Mais lorsque le vaccin sera disponible, les paroles politiques ne seront plus suffisantes. “Toutes les vies méritent d’être sauvées. Le réflexe nationaliste est bien la dernière des choses dont nous avons besoin pour réaliser le défi d’un vaccin accessible à tous. Au contraire, une coopération mondiale fondée sur l’impératif de solidarité entre les nations doit être affirmée par le président” demande Elise Rodriguez de l’ONG Action Santé Mondiale.
Les rencontres d’aujourd’hui s’inscrivent dans l’âpre compétition pour l’accès au matériel de protection et de prise en charge du Covid-19 et dans les tentatives de « nationalisme vaccinal » dont plusieurs pays ont fait preuve depuis le début de l’épidémie :
- L’Alliance inclusive pour le vaccin, initiative crée par la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie pour assurer un accès préférentiel en Europe aux futurs vaccins anti-Covid, a annoncé le 13 juin la signature d’un accord de principe avec le laboratoire AstraZeneca pour 400 millions de doses de vaccin à prix coûtant pour les pays de l’Alliance. Ces doses seront alors réservées en priorité pour les populations européennes posant la question de l’accès à des doses en nombre suffisant et à prix abordable pour les autres pays.
- Il y a un mois, Sanofi s’engageait à donner un accès préférentiel aux Etats-Unis à son futur vaccin puisqu’ils avaient investi le plus financièrement.
“Aujourd’hui le Président doit poser des conditions claires à Sanofi et aux grands groupes pharmaceutiques pour réellement faire du futur vaccin un « bien public mondial ». Sans conditionnalité des financements publics à la recherche et au développement, notamment à la mise en commun des savoirs et des brevets, les grands groupes pourront fixer des prix élevés pour le futur vaccin et priver son accès à des millions de personnes. Les mots ne suffisent plus, il faut fixer des règles du jeu claires faisant primer l’intérêt général et le bien commun sur les profits des grandes industries pharmaceutiques”, déclare Sandra Lhote-Fernandes de l’ONG Oxfam.
“Il s’écoule généralement sept ans entre le moment où un vaccin est homologué pour la première fois et celui où les pays en développement y ont finalement accès. Le statut quo actuel ne fonctionnera pas. Si la Covid-19 continue de se propager, peu importe où, il redevient une menace pour toutes et tous, et nous ne pouvons pas attendre sept ans pour sortir de cette crise”, déclare Maé Kurkjian de l’ONG ONE.
La semaine dernière, nos associations ont écrit au Président de la République proposant des conditions simples pour concrétiser son engagement en faveur d’un bien public mondial :
- Garantir que le prix du futur vaccin soit abordable pour tous les pays en conditionnant les financements publics investis dans la recherche et le développement à des garanties d’accessibilité en termes de prix, ainsi que sur le partage des données et des savoir-faire développés.
- S’assurer que les laboratoires, y compris privés, mettent en commun et à la disposition de tous, les brevets et les technologies développés dans la lutte contre la Covid-19.
- Demander aux laboratoires, y compris privés, de négocier des accords de transfert de technologie transparents avec les producteurs d’autres régions, notamment des pays du sud, pour préparer et accroître la capacité mondiale de fabrication, et ainsi accélérer la disponibilité mondiale de ces futures technologies de santé.
- S’assurer que la distribution de vaccins dans les pays les plus pauvres s’accompagne de l’augmentation des financements de l’aide internationale allouée au renforcement des systèmes de santé.
Crédits image : Ludovic MARIN / POOL / AFP