Entretien avec Dr Meseret Zelalem Tadesse, Responsable de la thématique santé maternelle, infantile et adolescente au sein du Ministère de la santé en Éthiopie. Elle est membre de plusieurs conseils consultatifs aux niveaux national et mondial, dont l’équipe consultative technique de l’OMS pour la région africaine. Avant d’occuper son poste actuel, elle a notamment été cheffe de cabinet du ministère de la santé, ainsi que directrice médicale et présidente du conseil d’examen institutionnel de l’hôpital universitaire de Gondar. Le Dr Zelalem a obtenu son diplôme de médecine et sa spécialité en pédiatrie à l’université de Gondar, où elle a été reconnue comme la meilleure femme dirigeante lors de la cérémonie de remise des diplômes aux étudiants.
1. Quels sont les principaux effets du changement climatique sur la santé dont vous êtes témoin en Éthiopie ?
Le changement climatique n’affecte pas seulement l’Éthiopie, mais aussi grandement la communauté mondiale. Nous pouvons observer un changement notable du climat. Que ce soit directement ou indirectement, le changement climatique affecte notre santé et notre bien-être, en raison des phénomènes météorologiques extrêmes tels que les chaleurs extrêmes, l’élévation du niveau de la mer, les inondations, les pluies extrêmes, les tempêtes et les invasions de criquets.
Ces catastrophes naturelles entraînées par le changement climatique sont directement liées à nos moyens de subsistance. Elles affectent notre sécurité alimentaire et l’ensemble du système alimentaire, ainsi que l’accès à l’eau potable. L’augmentation des taux de maladies d’origine hydrique, de maladies infectieuses tropicales et de maladies évitables par la vaccination peut également être attribuée au changement climatique, car les cas augmentent lors d’inondations, de sécheresses et de déplacements de population. Les déplacements causés par le climat peuvent également avoir un impact important sur la prestation de services de santé, tant pour les communautés d’accueil que pour les communautés déplacées.
Le manque d’eau potable, d’assainissement et d’électricité, souvent la conséquence de phénomènes météorologiques extrêmes, peut affecter considérablement la fourniture des services de santé. Les personnes les plus touchées sont les mères qui allaitent, les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans. Les pannes d’électricité, quant à elles, peuvent avoir un impact important sur la fourniture des services de santé et ce, particulièrement dans le domaine de la santé reproductive.
2. Pouvez-vous nous faire part de quelques actions politiques concrètes qui ont été mises en place en Éthiopie et qui ont eu un impact significatif sur les questions de santé et de changement climatique ?
Mon gouvernement, en particulier dans le secteur de la santé, est déjà en train d’élaborer des politiques et des stratégies pour surmonter les effets du changement climatique sur la santé. Cette question est déjà bien abordée et articulée dans les plans d’action définis par l’Éthiopie, notamment dans le plan de développement décennal, un plan de développement du secteur de la santé et un plan national d’adaptation.
Lorsque des catastrophes naturelles provoquées par le changement climatique se produisent, les services de santé sexuelle et reproductive (SSR) sont gravement touchés. Nous nous efforçons de faire en sorte que les services de santé reproductive soient fournis à ceux et celles qui en ont besoin, en établissant une articulation plus étroite entre les projets de développement et les situations d’urgence. Nous priorisons l’accès à l’ensemble des services de base en matière de santé sexuelle et reproductive et fournissons également des abris, une protection, de l’eau, de la nourriture et des vêtements. Nous collaborons étroitement avec les agences des Nations unies pour fournir des services de gestion de l’hygiène menstruelle, un élément important pour la protection des filles et des femmes.
Le ministère de la santé travaille également en étroite collaboration avec d’autres secteurs, notamment l’agriculture, l’eau, l’énergie et, en particulier, avec la Commission nationale des risques de catastrophes. Nous utilisons également les énergies renouvelables, en particulier pour améliorer l’accès aux réfrigérateurs à vaccins dans les plaines et les zones difficiles d’accès en Éthiopie.
Au-delà de la réponse d’urgence, nous devons mieux mettre en œuvre notre plan national d’adaptation afin d’atténuer les effets du changement climatique sur la santé, de veiller à ce que nous disposions de services de santé sexuelle et reproductive résistants au climat, ainsi que de centres de soins de santé et de centres de recherche résistants au climat. Nous devons intégrer de manière proactive les politiques climatiques dans notre programme de développement, et ne pas nous contenter de traiter le problème comme une urgence.
Nous saisissons les grandes opportunités offertes par le gouvernement, telles que l’initiative « Green Legacy » qui s’inscrit dans une vision de construction d’une Éthiopie verte et résistante au changement climatique. Cette initiative vise à planter 20 milliards de jeunes plants sur une période de quatre ans, au début de la saison des pluies. Il s’agit de l’une des mesures louables prises par mon gouvernement, conformément aux engagements mondiaux et régionaux, qui soutient nos efforts d’atténuation. Cette initiative phare est en tête de l’agenda national et est mise en œuvre à tous les niveaux, avec le plus grand leadership politique et une mobilisation des communautés. Il est important de resserrer le lien entre la santé reproductive, maternelle, néonatale, infantile et adolescente, et le changement climatique, principalement parce qu’il s’agit des segments de la population les plus touchés.
3. Pour la première fois, la COP28 aura cette année une journée officielle consacrée à la santé. Qu’attendez-vous de cette journée ? Que consideriez-vous comme un succès ?
J’apprécie beaucoup le fait qu’une journée soit consacrée à la santé, c’est un grand succès, un beau point de départ. Je m’attends à ce que la santé soit une priorité dans l’agenda climatique, car nous ne pouvons pas séparer la santé de l’action climatique, ou la santé de l’impact sur le climat. Nous pouvons mieux répondre au changement climatique dans le cadre d’une approche pangouvernementale, et je pense que la santé peut être le dénominateur, le centre de gravité du dialogue. Quoi qu’il en soit, l’impact du changement climatique est absorbé par le système de santé.
J’attends donc des chefs d’État et de gouvernement qu’ils s’engagent davantage à se concentrer sur la santé, sur les éléments clés qui affectent la santé. En ce moment critique, le changement climatique est l’un de ces éléments clés. J’attends des chefs d’État et de gouvernement qu’ils prennent l’engagement politique d’accorder à la santé l’attention qu’elle mérite. Il faut également s’attendre à un financement plus important pour l’atténuation des effets du changement climatique et pour une réponse proactive dans le cadre d’une approche pangouvernementale.