Le 24 mars, Journée mondiale de lutte contre la tuberculose, est l’occasion de mettre l’accent sur les personnes touchées par cette maladie, les activistes qui se mobilisent pour éradiquer cette pandémie d’ici 2030, et d’appeler à une action internationale plus rapide et mieux coordonnée pour mettre fin aux souffrances et aux décès dus à la tuberculose.
Chez Action Santé Mondiale, il nous semble essentiel de réaffirmer l’importance de lutter contre cette maladie de la pauvreté, évitable, qui reste l’une des plus meurtrières au monde. Cette situation s’est aggravée avec la crise du Covid-19. Cet article rappelle où nous en sommes dans la lutte contre la tuberculose et fournit les recommandations clés de Bertrand Pfouminzhouer Kampoer, coordinateur régional du réseau DRAF TB (Dynamique de la Réponse d’Afrique Francophone sur la Tuberculose).
La tuberculose dans le monde
D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), chaque jour, plus de 4 100 personnes meurent de la tuberculose et près de 30 000 personnes contractent cette maladie pourtant évitable et traitable. La tuberculose est la principale cause de décès chez les personnes vivant avec le VIH et elle alimente largement la résistance aux antimicrobiens. En effet, la tuberculose résistante aux médicaments représente environ un tiers de tous les décès dus à la résistance aux antimicrobiens dans le monde et constitue un risque catastrophique pour la santé mondiale.
Les conséquences de la crise du Covid-19
La crise du Covid-19 a mis à mal les progrès engagés dans la lutte contre la tuberculose. Face à une véritable recrudescence de la maladie, l’un des principaux acteurs en matière de financement d’outils contre la maladie est le Fonds mondial de lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme. Lancé en 2002, ce Fonds a permis de sauver 44 millions de vies. Pourtant, en 2020, pour la première fois dans l’histoire du Fonds mondial, nous avons constaté une baisse des résultats clés pour les trois maladies dans les pays où ce Fonds investit. Le nombre de personnes traitées pour une tuberculose résistante aux médicaments a chuté de 19%, tandis que le traitement des personnes atteintes de tuberculose ultrarésistante a diminué de 37%. Au total, le nombre de personnes traitées pour la tuberculose a diminué de plus d’un million. Dans les pays où le Fonds mondial intervient, entre 2019 et 2020, une augmentation de 6,5% des décès dus à la tuberculose a été constatée.
Mieux lutter contre la tuberculose : les recommandations de Bertrand Pfouminzhouer Kampoer
Quels sont les changements à engager dans la lutte contre la tuberculose pour répondre aux enjeux posés par la crise du Covid-19 ? Comment éradiquer cette maladie d’ici 2030 comme le fixe l’Objectif de développement durable “Santé et bien-être” adopté par les Nations unies ? Nous donnons la parole à Bertrand Pfouminhzhouer Kampoer, activiste camerounais impliqué dans le combat contre la tuberculose depuis 20 ans. Il coordonne le réseau DRAF TB (Dynamique de la Réponse d’Afrique Francophone sur la Tuberculose), qui est la Coalition régionale des communautés affectées par la tuberculose dans 15 pays d’Afrique francophone.
En 2022, le constat reste le même pour Bertrand Pfouminhzhouer Kampoer : les personnes touchées par la tuberculose sont celles qui ont le plus de difficulté à accéder aux services de soins, de traitement et de soutien. A travers le réseau d’organisations qu’il coordonne, il souhaite faire entendre les voix des communautés d’Afrique francophone atteintes par cette maladie qui sont moins présentes dans les instances de gouvernance internationale que les communautés anglophones. La tuberculose, “maladie oubliée” selon Bertrand Pfouminhzhouer Kampoer, reste l’une des plus meurtrières au monde mais les ressources qui y sont dédiées sont trop faibles. Avec la crise du Covid-19, nous avons constaté qu’en seulement quelques semaines, un vaccin a été trouvé alors que la tuberculose est une maladie centenaire. Cela montre que si les efforts étaient mis en place, on pourrait éradiquer cette maladie. C’est donc une “question d’éthique de la santé” que de contribuer à faire entendre efficacement la voix des communautés d’Afrique francophone sur ces enjeux.
Pour Bertrand Pfouminhzhouer Kampoer, la lutte contre la tuberculose repose trop souvent sur une approche clinique, qu’il juge trop restreinte et infantilisante pour les patientes et les patients. Dans le cadre de la réponse à la crise du Covid-19, le recours aux agents communautaires a été bénéfique et il souhaite que l’approche communautaire se développe à plus grande échelle dans la lutte contre la tuberculose. En effet, d’après une étude menée par le réseau Draft TB durant la crise du Covid-19, la réponse communautaire a facilité les étapes de lutte contre la maladie : en organisant la collecte d’échantillons salivaires pour établir le diagnostic, les coûts de transports de dépistage ont été réduits et la lutte contre la maladie s’est maintenue. Il précise que : “le Covid-19 est venu nous montrer que quand il y a des défis de contrôle d’une infection, l’approche communautaire peut être utilisée pour faciliter les principales étapes de la réponse.” Ainsi, que ce soit au niveau du diagnostic, du traitement, de l’accompagnement des patientes et des patients, toutes ces étapes ont été gérées par les agents communautaires. Pour Bertrand Pfouminhzhouer Kampoer, ce modèle a su montrer son efficacité : il est accepté par les patientes et les patients et il participe directement au « changement de paradigme” qu’il défend, réduisant ainsi les barrières d’accès au diagnostic et au traitement liées au genre et aux droits humains.
A l’heure d’améliorer la lutte contre la tuberculose, il est primordial de financer davantage les outils de lutte contre la maladie. Comme le rappelle l’expert Bertrand Pfouminhzhouer Kampoer, l’Afrique francophone porte le fardeau le plus lourd dans la morbidité liée à la tuberculose. Et c’est pour cela que les acteurs globaux doivent donner des assurances que cela va changer. Il est donc important de compter sur des engagements financiers, politiques mais aussi de continuer à déployer l’approche communautaire et de bien prendre en compte tous les déterminants pouvant affecter l’impact de la maladie. Enfin, Bertrand Pfouminhzhouer Kampoer plaide pour plus d’investissements consacrés à la tuberculose en R&D comme dans les mécanismes de réponses sanitaires.