EssentiELLES #3
Les ressources humaines en santé sont un pilier essentiel des systèmes de santé et un élément indispensable pour offrir un ensemble complet de services et soins de santé de qualité, notamment en matière de santé sexuelle et reproductive.
Le personnel de santé est la pierre angulaire d’une prestation de soins complète et intégrée. Par exemple, le rôle des sages-femmes ne se limite pas uniquement aux soins liés à l’accouchement seul. Il englobe tout un continuum de soins qui passe par les soins du nouveau-né, l’allaitement, la planification familiale jusqu’à la détection et le dépistage de maladies sexuellement transmissibles ou de cancers, via le biais de bilans prénatals de routine par exemple. Les sages-femmes jouent donc un rôle central dans la réduction de la mortalité maternelle et néonatale et dans la prestation d’un paquet complet de soins essentiels en matière de santé sexuelle et reproductive. Selon l’OMS, les soins prodigués par les sages-femmes lorsqu’il s’agit d’interventions éprouvées pour la santé de la mère et du nouveau-né, ainsi que pour la planification familiale, pourraient éviter plus de 80% des décès maternels, des mortinaissances et des décès néonatals.
En Afrique subsaharienne pourtant, une majorité de femmes continue de rencontrer des difficultés pour accéder à des professionnels de santé suffisamment formés pour répondre de façon adéquate à leurs attentes et besoins. Cela s’explique notamment par la pénurie de personnel de santé au niveau mondial, qui touche particulièrement les pays d’Afrique subsaharienne. Au Burundi par exemple, il n’y avait qu’un médecin pour 17 768 habitants en 2017, et seulement une sage-femme pour 27 080 femmes en âge de procréer. En d’autres termes, cela signifie que seulement 103 sages-femmes étaient formées alors même que le pays est marqué par une forte croissance démographique. Il est donc urgent d’investir durablement dans des programmes de recrutement de personnel de santé, notamment d’infirmiers et de sages-femmes.
Par ailleurs, ces ratios dissimulent l’inégale répartition du personnel de santé sur le territoire. Les milieux urbains sont bien davantage pourvus en médecins que les milieux ruraux, puisque 44% des effectifs exercent dans les grandes villes du pays. Bujumbura abrite à elle seule 14% du personnel infirmier. Face à cette problématique, le recrutement et la formation de personnel non médical tels que les personnels de santé communautaires, les agents sanitaires de village et les promoteurs de santé aux interventions de santé maternelle et néonatale sont une solution efficace dans les milieux confrontés à de graves pénuries de services. Au-delà du recrutement, il s’agit également d’assurer une fidélisation du personnel de santé dans ces régions, notamment à travers une valorisation des salaires, une équité salariale, de bonnes conditions de travail et des opportunités de carrières pour rendre plus attractifs les territoires traditionnellement désertés par les services médicaux.
Mais au Burundi surtout, on observe qu’une partie des professionnels de santé existants n’ont pas pu bénéficier d’une formation en adéquation ni avec les attentes liées à leur poste, ni avec les besoins de la population. Sont notamment en cause des problématiques liées à la formation initiale des ressources humaines en santé : l’absence ou l’insuffisance d’encadrement au niveau des établissements d’enseignement public et privé, la non-adaptation des contenus de formation aux besoins de l’emploi, ou encore le recrutement de personnel ne répondant pas aux critères de formation et de catégorie professionnelle faute d’effectif et de moyens financiers. Au Burundi, la formation continue pose également problème puisqu’elle est quasi-inexistante ou ne répond pas aux priorités des services. Si un plan national de formation continue existe, il nécessite cependant d’être actualisé et effectivement mis en œuvre. Il y a donc également un enjeu d’augmentation et d’adaptation de la formation et de la spécialisation du personnel aux besoins du terrain, notamment pour faciliter le transfert de tâches en permettant par exemple aux aides soignants, sages-femmes auxiliaires, ou infirmiers de réaliser des actes chirurgicaux mineurs et décharger ainsi le rôle des médecins.
Enfin, en Afrique subsaharienne, la pesanteur des lois et normes socio-culturelles et religieuses est une réalité, particulièrement lorsque les DSSR sont abordés, qui pèsent à la fois sur les patient.e.s mais également sur le personnel de santé qui les prend en charge. Par exemple, la contraception est une offre essentiellement réservée à un type de profil : des femmes mariées, qui ont pour une majeure partie déjà eu des enfants. L’existence des pesanteurs socioculturelles et religieuses expliquent ainsi en partie le faible recours à la contraception pour les femmes dans certaines régions du monde. Il est ainsi de première nécessité de dispenser des formations en droits et santé sexuels et reproductifs au personnel soignant afin qu’ils soient en mesure de déconstruire les stéréotypes et les tabous liés à la santé sexuelle reproductive des femmes. Il s’agit donc également d’encourager, notamment à travers des formations, une évolution des mentalités chez les ressources humaines en santé pour qu’elles valorisent les femmes en tant qu’actrices de droit.