EssentiELLES #2
Les DSSR sous le poids des normes et représentations sociales
Les normes, représentations sociales et traditions font partie des barrières qui entravent la pleine réalisation des droits sexuels et reproductifs pour des millions de femmes dans le monde. Elles sont à l’origine d’inégalités de genre qui entravent le pouvoir de décision des femmes sur leur santé sexuelle et reproductive, et qui restreignent leur liberté de mouvement ou de gérer leurs finances.
“Il faut faire comprendre que même si l’excision est une tradition, cette tradition est néfaste et a des conséquences graves sur la santé des femmes et de leurs enfants.” Binta Tamba a été excisée à l’âge de 3 ans. Originaire de la région de Sédhiou, au Sénégal, elle fait partie de ces femmes dont les droits sexuels et reproductifs (DSSR) ont été bafoués sous le poids des traditions, des normes et des représentations. L’excision a eu des conséquences graves sur sa santé : elle a été transférée à Dakar à cause d’une hémorragie et aujourd’hui encore, elle a constamment des douleurs lors de ses périodes de règles. Ce récit, partagé par des millions de femmes dans le monde, rappelle que santé et respect des droits sexuels et reproductifs sont étroitement liés.
Les inégalités de genre se traduisent par des pratiques telles que les mariages précoces ou l’excision, qui ont des conséquences graves sur la santé des filles et des femmes, comme pour Binta Tamba : hémorragies, problèmes urinaires, kystes, infections, complications lors de l’accouchement ou augmentation du risque de décès pour le nouveau-né. Particulièrement, les mariages de mineur.e.s représentent un enjeu majeur, notamment parce qu’ils sont généralement suivis d’une grossesse précoce dangereuse pour la santé des mères et des enfants : chaque jour, 194 filles en meurent. Les complications liées à la grossesse et à l’accouchement continuent d’être la deuxième cause de décès chez les jeunes filles âgées de 15 à 19 ans dans le monde, selon l’OMS.
Au delà de pratiques traditionnelles néfastes, les représentations sociales pèsent également sur la possibilité pour les femmes d’avoir recours à une contraception moderne ainsi qu’à des services d’avortement sûrs. Le tabou qui entoure les questions de sexualité et de reproduction rend difficile l’accès à l’information, en plus d’être un obstacle à l’accès et à l’utilisation des services de santé sexuelle et reproductive. Par ailleurs, au poids des normes sociales et des représentations, s’ajoutent des lois restrictives qui mettent en danger la vie des femmes. Si l’accès à la contraception est globalement en progression dans les pays en développement, l’accès à l’avortement médicalisé continue de se heurter aux oppositions des groupes conservateurs, et ce d’autant plus dans des contextes de crise comme celle que nous traversons avec la pandémie de Covid-19.
La réduction des violences sexistes et sexuelles, la prévention des grossesses non désirées, l’accès à l’IVG médicalisée, aux soins post-avortement ou à la contraception moderne, requièrent un environnement favorable à la promotion, au respect et à l’exercice des droits sexuels et reproductifs. Il est non seulement primordial de réviser les législations, mais ces réformes doivent être accompagnées d’une véritable évolution des représentations et des pratiques pour permettre à toutes de disposer librement de leurs corps. Défendre la liberté de choix des femmes et des filles, voilà la mission qui nous incombe. Dans ce nouveau numéro d’Essentielles, nous abordons ces enjeux centraux pour la réalisation effective de l’égalité entre les femmes et les hommes.