Alors que nous n’étions déjà pas en bonne voie pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD) d’ici 2030, la pandémie a aggravé les inégalités de développement humain partout dans le monde. Pour la première fois en 30 ans, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) fait état d’un recul de l’indice de développement humain durant deux années consécutives dans la presque totalité des pays. Dans son dernier rapport, la Banque mondiale constate la plus forte augmentation de la pauvreté depuis ces trente dernières années, déclarant ainsi le combat mondial contre l’extrême pauvreté “au point mort”. Les inégalités tuent chaque jour plus de 20 000 personnes, c’est-à-dire une personne toutes les quatre secondes, essentiellement par manque d’accès aux soins, à l’eau, à l’éducation mais aussi à la nourriture suffisante. Les femmes et les filles en sont les premières victimes. Les inégalités de genre demeurent l’un des principaux déterminants de la pauvreté et la crise a encore aggravé ce constat en accentuant le poids du travail du soin et du travail domestique.
Au-delà de la pandémie, la réponse à la crise a creusé les inégalités d’accès aux services les plus basiques tels que la santé, l’éducation, l’eau, l’assainissement, l’hygiène (EAH) et les systèmes de protection sociale et remis en lumière le désinvestissement chronique des Etats dans ces secteurs. La pression exercée par les institutions de finance internationale (FMI et Banque mondiale), dont la France est le 5e actionnaire, sur les gouvernements pour réduire leurs dépenses publiques en faveur des services sociaux de base et lutter contre le déficit public pèse le plus lourdement sur les pays à revenu faible et intermédiaire. Un accès universel, équitable, abordable et de qualité à ces services est pourtant l’une des pierres angulaires de la réalisation des droits humains fondamentaux de tou·te·s. Particulièrement pour les droits économiques, sociaux et culturels, il est le levier le plus puissant de réduction des inégalités, notamment entre les femmes et les hommes, ainsi que de la transmission intergénérationnelle de la pauvreté.
Pour être en accord avec les objectifs qu’elle s’est fixés lors du précédent CICID, et réaffirmés dans la LOP-DSIM, d’éradication de la pauvreté, de réalisation des ODD, et de protection des biens communs mondiaux, la France doit mener une politique de coopération qui soit réellement au service de la réalisation des droits fondamentaux de tou·te·s et de l’accès universel et équitable à des services sociaux de base publics, abordables et de qualité.
Avec la tenue d’un nouveau CICID, les prochains mois seront décisifs pour redonner à la politique de développement française l’impulsion nécessaire à la réalisation de ses objectifs. C’est pourquoi nous réitérons nos demandes et exhortons le gouvernement à :
-
- Confirmer la cible de consacrer 0,7% de son RNB à l’aide publique au développement d’ici 2025 lors du prochain comité interministériel de la coopération internationale et de développement ;
- S’engager à consacrer a minima 50% de son aide au développement en faveur des services essentiels notamment la santé, l’éducation, l’EAH et la protection sociale, dont au moins la moitié doit bénéficier aux PMA intégralement sous forme de dons ;
- Fixer des cibles financières pluriannuelles ambitieuses au sein du futur Contrat d’objectifs et de moyens (COM) de l’Agence française de développement (AFD) ;
- Respecter l’engagement inscrit dans la LOP-DSIM d’intégrer l’égalité femmes-hommes dans au moins 75% de l’aide bilatérale d’ici 2025, dont 20% ciblant spécifiquement les droits des femmes.
- Pour atteindre cette cible la France doit fixer une trajectoire précise lors du CICID ;
- Renforcer la part de dons et son recours dans l’appui au secteur public ainsi qu’aux services sociaux essentiels dans les pays les plus pauvres ;
- Garantir l’accès équitable aux services sociaux de base en privilégiant les services publics et en encadrant strictement les éventuelles privatisations. Cesser d’utiliser l’aide pour financer des acteurs privés à but lucratif pour l’éducation et la santé ;
- User de son influence au sein des institutions financières internationales pour garantir la cohérence des politiques pour le développement et mettre fin aux mesures d’austérité qui aboutissent au délitement des services sociaux de base ;
- Soutenir l’augmentation des recettes nationales par le biais d’une fiscalité progressive, et en mettant un terme au détournement des recettes fiscales vers les paradis fiscaux.