Le 6 mai 2020, le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian signait une déclaration conjointe sur la protection des droits et de la santé sexuels et reproductifs (DSSR), et la promotion de l’égalité des genres dans la crise du Covid-19. La France appelait ainsi les pays du monde entier à « garantir un accès complet et sans entrave à tous les services de santé sexuelle et reproductive pour toutes les femmes et les filles ». Mais pour que ces déclarations soient traduites de manière concrète, la France devra appliquer la politique extérieure féministe qu’elle revendique en assurant la mise en œuvre d’actions concrètes, soutenues par des financements ambitieux.
Dans les pays pauvres et prioritaires de l’aide française, la pandémie de Covid-19 a affaibli des systèmes de santé déjà fragiles. L’accès aux services de base n’y est plus assuré, et les droits et la santé sexuels et reproductifs sont en première ligne. Dans plusieurs pays, ils font notamment les frais des conservateurs anti-choix qui décident les interrompre, les considérant comme non essentiels.
Avant la crise, nous n’étions déjà pas en bonne voie pour atteindre les cibles des Objectifs de développement durable en matière de DSSR d’ici 2030. Non seulement ils sont un domaine sous financé par les donateurs, mais ils sont également de moins en moins priorisés au sein du secteur de la santé mondiale. Dans l’aide française, la part des financements allouée aux DSSR a progressivement décru au sein l’aide en faveur de la santé ces dernières années, alors même qu’il s’agit d’une priorité de sa politique de développement en santé.
La pandémie de Covid-19 risque d’alourdir encore les retards dans ce domaine. La crise pourrait ainsi causer entre 12 000 et 56 000 décès maternels additionnels sur six mois et 47 millions de femmes dans les pays en développement risquent de ne pas pouvoir utiliser de méthode de contraception moderne. Si nous ne mettons pas en œuvre rapidement des actions concrètes et des financements ambitieux pour se remettre sur la bonne voie, l’atteinte de l’égalité entre les femmes et les hommes sera impossible.
Cmt expliquer qu’encore aujd 214 millions ♀️ n’ont pas accès à la contraception?
➡️ Dépendants d’1 petit nombre de donateurs, sous-financés et centrés en majorité sur le VIH, les #DSSR risquent de reculer davantage face au Covid19@ONUFemmes @GenEgaliteFR @_Focus2030 @odelphine pic.twitter.com/bY9iz4fPqt
— GHA France (@GHAFrance) August 6, 2020
Face à ce constat alarmant, nous attendons donc que la France réfléchisse aux priorités qu’elle entend donner à sa future politique de développement.
La rentrée prochaine de septembre 2020 sera l’occasion pour la France de réfléchir au renouvellement de sa stratégie en matière de développement. Le vote par les parlementaires du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales et la stratégie « Santé et protection sociale » (2015-2019) de l’AFD seront des moments clefs pour redéfinir les priorités de sa politique de développement et adresser durablement les défis posés par la pandémie de Covid-19.
Pour répondre de manière efficace aux conséquences spécifiques de la crise sur les DSSR nous demandons que la France opérationnalise ses priorités historiques en matière de renforcement des systèmes de santé, notamment aux niveaux primaire et communautaire, et œuvre en faveur de la couverture sanitaire universelle. Si nous n’agissons pas rapidement en faveur de systèmes de santé solides et pérennes, nous n’attendrons pas la réalisation effective des DSSR et à l’accès de toutes les femmes à leurs droits, sans barrières financière, géographique et culturelle ne pourra être atteint.
La France doit donner à sa « diplomatie féministe » tous les moyens nécessaires pour défendre la santé et les droits des femmes. En tant qu’hôte du Forum Génération Égalité en 2021 et championne de la coalition d’Actions sur le droit à disposer de son corps et la santé et les droits sexuels et reproductifs, la France doit s’engager en faveur d’actions concrètes sur 2021-2025 en faveur des DSSR et soutenir ces actions par des engagements financiers ambitieux, à la hauteur des besoins internationaux.
Nous attentons que la France soit au rendez-vous de la rentrée prochaine et garantisse que les DSSR soient pleinement intégrés au sein de sa réflexion stratégique pour le renouvellement de sa politique en matière de développement.