Nous célébrons aujourd’hui la journée mondiale de lutte contre la tuberculose. L’occasion, s’il en fallait, de sensibiliser la communauté internationale sur ses conséquences meurtrières et alerter sur le manque chronique de financements dans la lutte contre la tuberculose, notamment dans le domaine de la recherche et développement (R&D).
Connue depuis l’Antiquité, la tuberculose continue d’être l’une des maladies les plus meurtrières de notre temps. Selon l’OMS, elle représente toujours la 13e cause de mortalité et la 2e due à une maladie infectieuse dans le monde, derrière la Covid-19 et avant le Sida. Au total, 1,5 million de personnes sont mortes de la tuberculose en 2020, soit au niveau de 2017, et 9,9 millions de personnes ont développé la maladie cette même année. Si toutes les régions du monde sont touchées, l’Asie du Sud-Est, le continent africain et la région du Pacifique occidental concentrent la majorité des cas enregistrés. Les progrès dans la lutte contre la maladie sont trop lents : à l’échelle planétaire, l’incidence de la tuberculose régresse de seulement de 2 % par an.
Comment expliquer cette absence d’avancées significatives, alors qu’il s’agit d’une maladie évitable vieille comme le monde ? Ces dernières années ont été marquées par une mobilisation internationale accrue dans la lutte contre la tuberculose. Le troisième objectif de développement durable (ODD 3) et la Stratégie pour mettre fin à la tuberculose de l’OMS ont permis de définir des objectifs clairs en faveur de l’éradication de la maladie d’ici 2030. La tenue d’une première réunion de haut niveau sur la tuberculose par les Nations unies en 2018 a par ailleurs consacré la question à un niveau supérieur, celui des chef·fe·s d’État et de gouvernement, et permis de fixer de nouveaux objectifs à court et moyen termes.
Malgré cette mobilisation accrue, les résultats ne sont pas là. Entre 2015 et 2020, la baisse cumulée de l’incidence de la maladie se chiffre à seulement 11 %, soit la moitié de la cible fixée dans la Stratégie pour mettre fin à la tuberculose. La pandémie de la Covid-19 a fait reculer ces timides avancées en causant l’interruption de services et soins de santé essentiels dans le domaine de la lutte contre la tuberculose. Ce faisant, la crise a rappelé au monde entier l’urgence de renforcer durablement nos systèmes de santé primaires et communautaires et la nécessité de combler le manque de financement chronique dans le domaine de la lutte contre la tuberculose, notamment en R&D. En 2020, selon l’OMS, les dépenses totales se sont élevées à 5,3 milliards d’USD, soit moins de la moitié de l’objectif mondial de financement pour la lutte contre la tuberculose. Dans le domaine de la recherche et développement (R&D), les financements ont atteint le seuil symbolique de 1 milliard de dollars en 2021, en grande partie grâce à la contribution des institutions publiques. S’il s’agit d’un montant inédit, cette enveloppe ne représente que la moitié de l’objectif fixé par les Etats pour l’année 2022 lors du High Level Meeting (HLM) des Nations unies sur la tuberculose de 2018.
Mieux financer la R&D pour favoriser le développement de nouveaux outils médicaux de lutte contre la tuberculose est pourtant crucial pour espérer éradiquer la maladie, et ce d’autant plus dans un contexte de résistance croissante aux médicaments antituberculeux. La prévalence de la tuberculose résistance aux médicaments a effectivement progressé de 3% entre 2020 et 2021 pour atteindre 450 000 nouveaux cas. A ce jour, l’accès à un diagnostic précis et rapide est souvent limité dans les régions où le fardeau de la tuberculose est le plus lourd, retardant les traitements et favorisant la propagation de la maladie. Les traitements antituberculeux doivent être administrés trop longtemps pour guérir les malades, sont trop compliqués à administrer et peuvent être toxiques. Enfin, si les vaccins sont les interventions les plus efficaces en matière de santé publique, nous ne disposons à ce jour toujours pas de vaccins suffisamment efficaces, abordables et adaptés à toutes les populations à risque. Développer un nouveau vaccin réduirait pourtant le besoin d’antibiotiques et contribuerait à freiner la progression de la résistance aux antimicrobiens.
Avec la tenue d’un nouvel événement de haut niveau des Nations unies sur la tuberculose prévue à l’automne, 2023 représente une opportunité majeure pour sensibiliser les décideur·se·s aux besoins et défis actuels et espérer obtenir de nouveaux engagements politiques et financiers ambitieux dans ce domaine.
La France a été historiquement très impliquée dans la lutte contre la tuberculose. Elle a notamment contribué à la création du Fonds mondial de lutte contre le VIH/Sida, la tuberculose et le paludisme en 2001, dont elle demeure encore aujourd’hui l’un des principaux contributeurs. Ces dernières années, elle a également joué un rôle de leadership en favorisant aux côtés de ses partenaires l’organisation du HLM des Nations unies sur la tuberculose en 2018 ainsi qu’en accueillant le 6e forum mondial sur les vaccins contre la tuberculose en 2022. La France nourrit par ailleurs une collaboration scientifique historique avec l’Inde sur le sujet, avec laquelle elle s’est récemment engagée à mobiliser davantage de chercheurs pour développer des vaccins contre la tuberculose. Ce leadership s’est également concrétisé par l’annonce du Président Emmanuel Macron en 2021 de consacrer 25 milliards d’euros additionnels en faveur de la recherche publique durant les 10 prochaines années. Pour autant, en 2021, la contribution française à la recherche en faveur de la lutte contre la maladie n’atteignait que 58% de sa “juste part” estimée à 30 millions d’euros annuels par le partenariat Stop TB (voir lien ci-dessous).
Sans financements suffisants en faveur de la R&D pour lutter contre la tuberculose, nous ne pourrons mettre un terme à la maladie d’ici 2030. Les décideur·se·s politiques et institutionnel·le·s français·e·s doivent se saisir de l’opportunité que représente cette année pour renouveler la mobilisation historique de la France en faveur de la lutte contre la tuberculose, par l’annonce de nouveaux engagements politiques et financiers ambitieux lors de l’événement de haut niveau organisé par les Nations unies sur la tuberculose en septembre prochain.
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Tuberculosis Research Funding Trends, 2005-2021, Stop TB Partnership. Rapport disponible ici.