EssentiELLES #2
30 ans après la conférence internationale du Caire sur la population et le développement, qui consacrait pour la première fois les droits sexuels et reproductifs (DSSR) en 1994, l’accès à l’avortement médicalisé et à la contraception moderne demeure encore impossible pour des millions de femmes dans le monde.
Droit humain fondamental, l’accès à l’avortement médicalisé continue de se heurter aux oppositions des mouvements conservateurs. Selon l’Organisation mondiale de la santé, 22 millions d’avortements à risque sont pratiqués dans le monde chaque année. De nombreux États refusent encore la légalisation de ce droit. Pourtant, les études montrent que la criminalisation de l’avortement ne fait pas disparaître ces actes – puisqu’il est même prouvé que les taux d’avortement sont plus élevés dans les pays où l’accès à la contraception est limité– mais les rend juste plus dangereux pour les femmes qui y ont recours. La criminalisation de l’avortement et les lois restrictives en la matière rendent l’offre de soins impossible au sein des systèmes de santé, et dissuade les femmes de se faire soigner après un avortement en cas de complications dues à un avortement dangereux ou liées à la grossesse.
Le caractère illégal de l’avortement alimente par ailleurs les représentations sociales et les stéréotypes négatifs sur ces questions : les femmes et les jeunes filles qui souhaitent y recourir sont stigmatisées, notamment par le système judiciaire, les membres de leur famille, mais également par le personnel médical. Enfin, le recours aux avortements non médicalisés a des conséquences dramatiques pour la santé des femmes puisqu’il entrainerait chaque année plus de 47 000 décès et plus de 5 millions de cas de complications. Ces situations perdurent, alors que les solutions médicales sont bien connues. Selon l’institut Guttmacher, le nombre de grossesses non planifiées, d’avortements non médicalisés et de décès maternels chuteraient d’environ deux tiers si toutes les femmes enceintes bénéficiaient de soins conformes aux normes internationales et si toutes les femmes des pays à revenu faible et intermédiaire qui désirent éviter une grossesse avaient accès à la contraception moderne.
Or, si de considérables progrès ont été effectués ces dernières années, le chemin à parcourir reste long : tous les ans, 218 millions de femmes qui souhaiteraient éviter ou différer une grossesse n’ont pas accès à un moyen de contraception. La pandémie de Covid-19 n’a fait qu’aggraver ces constats. Dans certains pays, l’accès des femmes et des filles aux services et aux moyens de contraception moderne, ainsi qu’à une information fiable sur le sujet est entravé non seulement par les barrières législatives et réglementaires, mais aussi par le poids des représentations socio-culturelles et des traditions. Dans de nombreuses sociétés, la sexualité continue d’être un tabou et de faire l’objet de représentations péjoratives socialement ancrées. Par exemple, il peut être mal perçu que des jeunes aient recours à des structures médicales capables de leur fournir des préservatifs et de les informer en matière de santé sexuelle et reproductive, car cela signifierait qu’ils ont une activité sexuelle. Par conséquent, même si de plus en plus d’États intègrent l’accès à la contraception comme une priorité des politiques de santé nationales et que des mouvements pour accélérer les progrès dans l’utilisation des services de planification familiale existent au niveau régional à l’instar du partenariat de Ouagadougou, cela ne se traduit pas nécessairement par un accès effectif accru des femmes et des filles aux services de planification familiale.
Alors que les mouvances conservatrices profitent de la crise de la Covid-19 pour saper les progrès et faire reculer le droit à l’avortement et à la contraception – comme nous l’avons malheureusement constaté en Pologne en octobre 2020 -, il est plus que jamais urgent d’agir pour garantir la mise en œuvre de cadres politiques et légaux favorisant la réalisation des DSSR. Mais cela doit s’accompagner d’une évolution des représentations sociales et culturelles et d’un accès effectif des femmes et des filles à des services de santé sexuelle et reproductive de qualité. Renforcer les capacités de prise de décision et l’autonomisation des femmes et des filles est une priorité, défendue par la France et ses partenaires de la coalition d’actions DSSR. C’est pourquoi nous attendons que les autorités françaises montrent l’exemple et prennent des engagements forts et ambitieux lors du Forum Génération Égalité.